Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monsieur mon cousin, encores que vous sachiés assés les justes et
2legitimes occasions qui mont contraynt maugré moy de prendre
3les armes et que cela me doybve servir de suffisante excuse
4envers toutes personnes de bon jugement et qui seront sans
5passion, si ma il semblé bon vous fère ce petit mot pour
6deffandre mon innocence envers ceulx qui me vouldront calomnier.
7Vous savés questant eschappé de Paris, je me retirey à
8Genève, là où je ne fus pas plustost arrivé que lon me vint
9prier de prendre la charge de Languedoc pour estre leur
10chef, ce que jay refuzé, ne desyrant pour lors que de vivre
11en repos audit Genève, suyvant le conseill de mes amys ;
12et à ses fins, jenvoyay querir ma femme en Daulphiné à
13la quelle lon fit plusieurs traversses comme vous scavés
14mieulx que moy mesme pour la poyne quil vous a pleu prendre
15pour elle et pour moy estant en fin arrivée en ce païs
16là, nous nous retirames en Suisse, suyvant le conseill de
17noz bons amys du nombre des quelz vous estiés et estes encores ;
18sil vous playst et ce pour eviter toutes soupssons et calomnies
19quon me metoyt sus ordinayrement, nonobstant tout cela on
20me pressoyt tousiours de plus en plus à venir par deça, ce que
21entendant, monsieur lambassadeur de Suisse, il me resercha
22par le moyen de monsieur de Beauvoys la Nocle de fère
23une promesse ne prendre poynt les armes et que
24moyennant cela, il me promestoyt aussi de la part du
25roy que tous mes biens me seroyent rendus, ce que je fis liberalement
26en presence de messieurs de Berne, masseuran
27de ce quon me prometoyt et ayant attendu leffect de
28ceste promesse jusques à present jay veu en fin que tous
29ceulx qui firent semblable serement quant et moy ont
30eu main levée fort ample de tous leurs biens et que je
31suis seul entre tous les autres, oblié en ce bien faict qui
32mest assés suffisant tesmoignage que messieurs du conseill du
33roy mont estimé si inutile à fère service à sa magesté
34que me vouloyent fère mourir de fain, ce qui met sy
35inacostumé que jay esté contraint prendre party et me
36retirer avec ceulx qui mayant esprové pour le passé,
37mestiment suffisant leur fère service, ce que je ferey
38fidelement avec layde de Dieu, ayant le cueur en trop
39bon lieu pour estre peyne à pouvreté et quant cela ne
40me donneroyt argument suffisant, jen auroys assés avec
41beaucop dautres par le dernier edict de pacification fayt
42à La Rochele, par le quel nest faicte mencion de rendre
43leurs biens ni lexcercice de la religion aux abssans qui
44se sont contenus sans prendre les armes, on scayt quon
45[203 v°] veoyt assés que le temps du jourdui porte que ceulx de
46notre religion qi pensseront fère les sages en tempori-
47seurs en ses troubles, seront estimés des folz et en fin
48massacrés silz se trovent en lieu au quel Dieu ny
49aura proveu de gouverneurs saiges et gens de bien
50comme lon na veu que trop desperiance, et encores que
51toutes ses reysons la soyent assés suffisantes pour les
52tortz que lon ma faict cela nest pas la seule cause
53que ma faict prendre les armes, mays plustost la
54rage et furie qui est bandée contre l’Eglise de Dieu
55pour le service et soubtien de la quele je veulx employer
56ma vie et ma personne comme aussi par linstante
57prière que jay heu des Eglises du Languedoc de me
58transporter vers eulx le plus diligemment que je
59conclurre aux articles de la paix des quelz on est
61en traytte que je ne fusse present que aussy pour
62appayser une infinité de divizions questoyent entre
63quelques ungs, ce quest bien reussy depuis mon
64arrivée que, graces à Dieu, tout est bien uni et bien
65paciffié, ensemble que me faict de tant meilleur
66cueur entreprendre à me bien employer pour tout
67ce de quoy ilz mont requis et pour lesperance que jay
68que le tout reussyra en quelque bonne fin et yssue, je
69vous suplie donc, monsieur mon cousin, de madiouster ce
70bon office là et fère que mes reysons susdites ayent lieu
71envers les personnes de bon cueur et entendement et
72specialement aux votres et de voz frères de lamitié des
73quelz je fayz tant destat que je nespargneray jamays
74ma personne ni ma propre vie pour la me conserver
75inviolable en toutes les queles choses Dieu massistera
76sy luy playst, ce pendant je le prieray me tenir pour
77très affectionnement recommandé à votre bonne grace et à
78cele de monsieur de Saint Meury votre frère et que vous
79doynt à tous deus, monsieur mon cousin tele santé et longue
80vie que je la desyre pour moy. De Privas, ce VIIIe decembre
811573.
82Votre humble et plus affectionné
83cousin de Saynt Chaumont